

Savoir décoller est une chose, et savoir atterrir en est une autre. Pour son quatrième vol de test organisé ce jeudi, SpaceX a réussi pour la première fois à ramener au sol en douceur son vaisseau Starship après une heure de croisière dans l’espace. Un objectif indispensable à maîtriser si SpaceX veut réussir, d’ici quelques années, à transporter des équipages d’astronautes jusque sur la Lune.
Le lancement a eu lieu à 7h50 du matin sur la base spatiale de Boca Chica, au Texas, soit 14h50 à Paris. Les autorités américaines de l’aviation avaient donné leur feu vert ; la météo était coopérative : tout était prêt pour que le mastodonte de 120 mètres de haut quitte son pas de tir. 70 mètres de fusée géante (nommée «Super Heavy») chapeautée du vaisseau Starship proprement dit, qu’elle propulse dans l’espace. C’est la quatrième fois maintenant que se déroule la même routine. Contrairement aux constructeurs historiques de fusées qui multiplient les tests au sol et les simulations informatiques avant d’oser un vol inaugural, et attendent une réussite du premier coup (comme on l’a encore vu ce mois-ci avec les innombrables reports du vaisseau Starliner chez Boeing), SpaceX est une adepte des méthodes «agiles» de start-up : essayer, échouer, corriger, recommencer. Les fusées Starship sont assemblées en série et les vols de tests s’enchaînent à quelques mois d’intervalle, en tentant à chaque décollage de faire un peu mieux que la dernière fois, d’aller un peu plus loin, de tester quelques nouvelles manœuvres.
Récupération en un seul morceau
Le tout premier test en vol de Starship a eu lieu en avril 2023. Après trois minutes de vol, alors qu’il avait atteint la vitesse de 2 000 km/h et dépassé l’altitude de 39 kilomètres, le lanceur super-lourd a perdu le contrôle de sa trajectoire et a été détruit. Un deuxième vol mi-novembre n’a pas été beaucoup plus convaincant : la fusée a tenu huit minutes avant d’exploser en vol, au lieu de boucler un tour de Terre en 90 minutes comme prévu. Le troisième vol a enfin montré des progrès significatifs. Mi-mars 2024, il a duré trois quarts d’heure et rempli quelques objectifs importants, comme la démonstration d’un transfert de carburant d’un réservoir à l’autre en plein vol (première étape vers un transfert inter-vaisseaux spatiaux pour les missions lunaires) ou l’ouverture de la porte qui renferme la charge utile (pour simuler une libération de satellites ou de matériel à faire alunir).
Il ne s’agissait pas de répéter ce jeudi ce qui a déjà été réussi. Le transfert de carburant et les ouvertures-fermetures de portes n’étaient donc pas au programme. SpaceX s’est concentré sur la fin de vol en essayant de récupérer ses deux engins spatiaux, la fusée et le vaisseau, en un seul morceau chacun pour qu’ils deviennent enfin réutilisables.
La première partie a rapidement été réussie : après avoir rejoint l’espace quelques minutes après le décollage, la fusée Heavy Booster s’est détachée du vaisseau Starship et a fait demi-tour pour retomber sur Terre. La manœuvre contrôlée grâce à ses nombreux moteurs (33 au total) lui a permis de se remettre à la verticale, puis de freiner au maximum au-dessus du golfe du Mexique pour adoucir l’arrivée sur l’eau.
Pendant ce temps, le vaisseau Starship a continué sa route seul, depuis les Etats-Unis vers l’Est, pour une heure environ. Puis il est redescendu dans l’atmosphère et s’est lui aussi remis en position verticale pour arriver lentement au-dessus de l’océan Indien. Aucune barge n’était prévue sur le site de l’amerrissage pour vraiment récupérer le vaisseau, mais c’est un détail qu’on pourra ajouter lors d’un futur vol : l’essentiel est que Starship est arrivé à l’altitude zéro sans avoir explosé ni brûlé, avec le bon angle et à la bonne vitesse.
Gagner du temps
D’ici 2026, Starship devra savoir boucler des orbites terrestres, décoller et ré-atterrir à volonté, et transporter des humains en toute sécurité pour honorer le contrat signé avec la Nasa dans le cadre du programme Artemis. L’agence spatiale américaine a choisi SpaceX comme prestataire pour gérer les alunissages de ses astronautes. La mission Artemis 2 – qui doit faire le tour de la Lune – était initialement prévue pour la fin de cette année et la mission Artemis 3 – qui doit se poser au pôle Sud de notre satellite naturel – pour l’an prochain, mais la Nasa a récemment annoncé un report d’un an, notamment pour attendre SpaceX dont la fusée et son vaisseau sont loin d’être prêts.
Pour gagner du temps, SpaceX compte désormais zapper les longs mois d’investigation qui suivent chacun des vols de test. La Federal Aviation Administration (FAA), l’agence américaine gouvernementale qui régule l’aviation, doit en effet mener une enquête après la perte accidentelle d’un vaisseau spatial, établir des responsabilités, émettre des recommandations pour les prochains vols… SpaceX a donc demandé une modification de sa licence, pour que ses explosions de Starship soient considérées comme des dommages inhérents à des processus de tests. Un accord a été signé avec la FAA, prévoyant trois scénarios problématiques où le vaisseau finirait en miettes. Si ce quatrième vol de test échoue à cause de l’un des scénarios, et tant qu’il n’a posé aucun risque pour la population, il n’y aura pas d’enquête de la FAA. Si l’échec est dû à la fusée Super Heavy en revanche, ou à un autre scénario non prévu d’avance, il y aura enquête, et de longs délais à prévoir. Pendant ce temps, la Lune attend.
Mise à jour à 15h20 avec le décollage et le retour réussi de Super Heavy.
Mise à jour à 16h10 avec l’amerrissage réussi de Starship.
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